• Le spectateur de la série Alias est attiré par les déguisements que revêt Sidney Bristow à chaque misssion. Cet art du camoufflage a donné son nom à la série (alias, c‘est celle qui est autre) et a également fourni le thème du générique de la dernière saison. Autant dire que le plaisir du spectateur naît quand il reconnaît son héroïne là où les méchants se laissent prendre par la mascarade organisée par la CIA. L'univers de l'image comme source d'illusion fait en ce sens de la reconnaissance un procédé majeur de la série

    Si la reconnaissance est le ressort narratif principal de la série, c'est cependant aussi parce que le personnage est en quête d‘une forme plus importante de reconnaissance: celle du père, qui pose le problème de l'identité de l'héroïne sur un plan psychanalytique. Le travail de l‘image n‘est plus seulement formel, il prend ainsi une dimension symbolique.

    Enfin, le spectateur semble connaître un plaisir particulier parce que ce ressort narratif épouse la structure de la série, qui propose d'accéder à une connaissance mystique, incarnée par l'autre père, Rambaldi: dans la mémoire même de la série (sa re-connaissance) en évoquant des souvenirs que le spectateur partage avec les personnages, la série revendique et conquiert une reconnaissance esthétique. En faisant de Sidney l'héroïne de la reconnaissance, l'image se fait en définitive icône.

    Voici le plan d'un ouvrage que je publierai si on me le demande :

    I. Un procédé narratif complexe qui enchante le réel

    • Sidney et la problématique du même et de l‘autre
    • les personnages à double vie et l‘aporie de l‘identité
    • la structure dramatique de la révélation, du coup de théâtre
    • la dialectique du réalisme et du merveilleux : fécondité de la reconnaissance

    II. Une quête de reconnaissance : le plan symbolique de l'action

    • les histoires de famille : des rapports de force et d'amour pervers
    • une dialectique du maître et de l‘esclave: entre vanité et rivalité, entre action et fantasme
    • alias ou le dépassement du stade du miroir, grâce à l‘image cinématographique

    III. La re-connaissance et la revendication de la série

    • Rambaldi : la quête du spectateur
    • L'esthétique du retour en arrière
    • La mémoire de la série et l'autoréférence : la revendication d'une reconnaissance publique

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  • La lettre, une liaison dangereuse

    Liaison a priori intime d'un émetteur et d'un récepteur (Mme de Sévigné et sa fille, lettres de Van Gogh à son frère, lettres d'amour...), la lettre ne véhicule pas seulement un message qui célèbre ce lien (comme dans la lettre d'amour, qui n'a pas d'autre fonction, et qui, par conséquent, n'a pas réellement de message... ). La lettre sert surtout à mettre en question l'intimité de cette liaison, car on n'écrit pas pour ne rien dire, ou lorsque tout va bien : l'écriture d'une lettre est liée à un moment de crise, la lettre est l'expression d'une demande urgente ou d'un message pressant, essentiel. C'est pourquoi la lettre est plus souvent l'occasion d'une rupture que d'une simple déclaration : elle devient le support d'un discours libéré, car distant. Plus, elle peut être une déclaration publique (J'accuse). L'écart spatial et temporel qui sépare l'émetteur et le récepteur ouvre une situation propice à la réflexion. La pensée, l'esprit se libèrent de la lettre, quitte à ruiner la stabilité de la relation... La lettre peut même être le support du libertinage, en véhiculant un discours qui subvertit la morale de l'amour (Laclos). Enfin, cette logique de la rupture par l'écriture est lisible de manière définitive dans Inconnu à cette adresse, où le seul fait d'envoyer une lettre, même dépourvue de tout message, condamne son récepteur à mort. De l'amour à la mort, du lien à la rupture, la lettre est dangereuse, l'émetteur peut se trahir, le récepteur peut être piégé par l'interprétation des propos. Le sens des mots débordent et échappent.


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