• Monsieur, ou Madame, ou qui que vous soyez,

    J'ai longtemps hésité avant de vous écrire cette lettre. Né de père inconnu et de mère incertaine... trouvé dans un terrain vague, je, non soussigné, fus élevé par un bienfaiteur anonyme. Je grandis clandestinement dans un lieu imprécis.

    Après avoir fait des études par correspondance dans une solitude complète... je regagnai sans papiers et sans bagages, par une route qui n'est plus sur la carte, un endroit que je ne peux révéler...

    Là, j'écrivis plusieurs lettres anonymes à des correspondants lointains...

    Sur le point d'être découvert... je m'enfuis dans le désert... d'où je vous écris...

    Peut-être souhaiteriez-vous savoir pourquoi je me confie ainsi à vous dont j'ignore l'identité ? C'est dans un moment de dépression... tout simplement ! N'y voyez pas d'autres raisons ! Ne cherchez pas à savoir qui je suis... mon nom ne vous dirait rien.

    Et je signe d'une main incertaine :

    LE SUSNOMME


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  • Lettre 48

    Le Vicomte de Valmont à Mme de Tourvel

    C'est après une nuit orageuse, et pendant laquelle je n'ai pas fermé l'œil ; c'est après avoir été sans cesse dans l'agitation d'une ardeur dévorante, ou dans l'entier anéantissement de toutes les facultés de mon âme, que je viens chercher auprès de vous, Madame, un calme dont j'ai besoin et dont je n'espère pas jouir encore. En effet, la situation où je suis en vous écrivant me fait connaître, plus que jamais, la puissance irrésistible de l'amour ; j'ai peine à conserver assez d'empire sur moi pour mettre quelque ordre dans mes idées ; et déjà je prévois que je ne finirai pas cette lettre, sans être obligé de l'interrompre. Quoi ! ne puis-je donc espérer que vous partagerez quelque jour le trouble que j'éprouve en ce moment ? J'ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n'y seriez pas entièrement insensible. Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l'âme, image de la mort, ne mènent point au bonheur ; les passions actives peuvent seules y conduire ; et malgré les tourments que vous me faites éprouver, je crois pouvoir assurer sans crainte que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. En vain m'accablez-vous de vos rigueurs désolantes ; elles ne m'empêchent point de m'abandonner entièrement à l'amour et d'oublier, dans le délire qu'il me cause, le désespoir auquel vous me livrez. C'est ainsi que je veux me venger de l'exil auquel vous me condamnez. Jamais je n'eus tant de plaisir en vous écrivant ; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une émotion si douce, et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports : l'air que je respire est brûlant de volupté ; la table même sur laquelle je vous écris, consacrée pour la première fois à cet usage, devient pour moi l'autel sacré de l‘amour - combien elle va s'embellir à mes yeux ! j'aurai tracé sur elle le serment de vous aimer toujours ! Pardonnez, je vous en supplie, au désordre de mes sens. Je devrais peut-être m'abandonner moins à des transports que vous ne partagez pas : il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s'augmente à chaque instant, et qui devient plus forte que moi.


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